1. Quentin 9 avril 2020 à 4 h 14 min - Répondre

    Bonjour Aurélien,
    Étant moi même médecin je partage ton inquiétude sur les troubles dépressif, les personnes à risque de violence domestique, les personnes en rupture de suivi de pathologie chronique du fait de la crise actuelle… Néanmoins n’oublions pas que les statistiques de létalités changent complètement en cas de saturation du système hospitalier. Les formes graves ne touchent pas que les personnes fragiles ou à risque, certains hôpitaux ne font plus d’entrée en réanimation de patients de plus de 65 ans faut de moyen… Il ne faut pas banaliser la dangerosité de l’épidémie actuelle et les mesures mises en place ont un impact important, le seul qu’on puisse avoir sur cette épidémie.
    Par ailleurs la santé mentale est une catastrophe de longue date en France (et ailleurs..) avec un cout pour la société immense (toujours le premier poste de dépense de la CNAM il me semble) et un investissement pour la prise en charge des malades (conditions de travail, prise en charge des traitements non médicamenteux, financement de la recherche, financement des structures de soin) très faible, investissements qui pourraient pourtant être source à terme d’économie…

    • Aurélien 9 avril 2020 à 15 h 04 min

      Bonjour Quentin,

      L’impact des mesures actuelles est difficile à mesurer, en toute rigueur, puisqu’on n’a pas d’échantillon de contrôle pour comparer (et que l’existence même d’un échantillon de contrôle frise les limites de l’éthique). D’autant plus qu’on mesure ce qu’on peut, en ce moment, et c’est surtout ce qu’on voit sans regarder trop loin.

      On sait que la probabilité de guérison de n’importe quelle maladie diminue avec le stress, la dépression, l’anxiété et une mauvaise hygiène de vie. En ce moment, on est en train de taper dans le capital psychologique et cardio-vasculaire des gens, alors qu’en l’absence de vaccin ou de traitement, c’est le seul facteur de chances de survie sur lequel on a le contrôle, compte tenu du fait qu’au moins la moitié de la population doit choper ce virus (ou recevoir le vaccin) à un moment ou à un autre pour que la transmission cesse.

      Qu’on empêche la saturation de système, soit, mais avoir accès à un respirateur ne garantit pas la survie. Du reste, les zones de stress hospitalier sont localisées géographiquement, et gérer le problème de façon nationale, c’est concentrer le pays sur les malades. On est en train d’oublier de garder les autres en bonne santé. On est en train d’oublier que la santé n’est pas juste une absence de maladie déclarée, mais un capital global.

      Donc qu’on mette des secteurs géographiques en quarantaine, pour éviter de propager le problème, je veux bien. Mais assigner les gens à résidence, et surtout de façon uniforme sur le territoire, c’est créer un problème potentiellement plus grave (mais moins spectaculaire).

      Je m’attends à ce que le taux de survie à COVID-19 soit moins bon après 4 semaines de confinement. Je m’attends à ce que les suicides augmentent, mais qu’on s’en rende compte trop tard. Je m’attends à ce que concentrer les efforts sur la brèche la plus visible nous revienne dans la tronche plus fort, mais de façon sournoise.

      On a déjà perdu 10 % de survie depuis le début du confinement (https://www.worldometers.info/coronavirus/country/france/), reste à éplucher les stats pour éliminer les biais et faire des analyses de sensibilité, parce que concomitance n’est pas corrélation, et corrélation n’est pas causalité, mais ça ne présage rien de bon.

      Chacun voit midi à sa porte, et on n’est pas en train d’arbitrer les risques de façon globale, on est en train de tout céder aux services de réanimation parce que ce sont les héros du moment.